Elle est à l’origine du mouvement Réchauffons Nos SDF, aujourd’hui constitué en association, et autrice de la pétition Des centres d’hébergement pour les femmes SDF sur change.org. Sarah Frikh est également lanceuse d’alerte et mobilise aujourd’hui plus de 404 000 personnes autour d’une même cause : la mise à l’abri de femmes et d’enfants vivant dans la rue.
– Bonjour Sarah Frikh. Vous êtes la présidente de l’association « Réchauffons nos SDF » basée à Reuil-Malmaison. Quel est le but de cette association et en quoi se différencie t-elle des autres en faveur des sans-abri ?
S.F : Notre association a tout d’abord été un mouvement citoyen dont le but était de regrouper des personnes souhaitant aider les SDF sur le terrain en participant à des maraudes par la distribution de sacs de survie et de repas chauds. C’est par la suite devenue une association qui existe depuis juin 2020. Elle ne se différencie pas des autres associations car nous travaillons ensemble. Nous préférons fédérer nos équipes et regrouper nos forces.
Mais la particularité de mon association est qu’en tant que présidente, je suis également lanceuse d’alerte pour les femmes SDF suite à une pétition que j’ai lancé en 2017 et qui regroupe plus de 404 600 signatures à l’heure actuelle. Ma principale mission aujourd’hui est de mettre à l’abri des femmes SDF seules, enceintes ou avec bébé.
– Vous alertez régulièrement sur la situation de personnes en difficulté sur twitter, facebook et instagram. Les réseaux sociaux sont-ils selon vous des outils efficaces pour sensibiliser les citoyens ?
S.F : Oui c’est la base même de mon travail : alerter, communiquer sur les événements et mettre en place des prises en charge. Tout se fait sur les réseaux sociaux. C’est selon moi le meilleur moyen de fédérer un grand nombre de personnes. La preuve, notre action s’étend désormais sur toute la France. Tout le monde peut donc intégrer notre association et agir dans sa ville.
– Comment êtes vous tenu au courant de la situation de ces personnes en difficulté ? Et quels types d’actions entreprenez-vous concrètement pour leur venir en aide ?
S.F : Je reçois une multitude d’appels à l’aide et je lance des alertes sur mes réseaux où j’interpelle les mairies concernées. En attendant qu’elles interviennent, nous agissons rapidement de notre côté, soit en leur payant une chambre d’hôtel, soit en leur offrant temporairement un toit chez un.e bénévole. Nous les accompagnons également dans leur démarche pour obtenir un logement. Et pour cela, je dispose d’un réseau d’hébergeurs, d’agents immobiliers et propriétaires grâce aux réseaux sociaux.
– Vous travaillez avec de nombreux bénévoles, une « chaise citoyenne » comme vous aimez le préciser, dont vous êtes « fière ». Pouvez-vous nous en parler ?
S.F : C’est vrai que je suis très fière de cette magnifique chaine humaine car ce sont les petites gouttes qui font les rivières et nous sommes toutes et tous des petites gouttes. Je reçois beaucoup de messages de personnes qui veulent nous aider mais ne savent pas comment s’y prendre. Je leur prodigue donc mes conseils et c’est assez touchant car les résultats sont là. Les bénévoles sont de plus en plus nombreux et très heureux de nous rejoindre. Ils représentent un peu les valeurs de notre pays : “liberté, égalité, fraternité”. Et je suis très heureuse de mener ce combat avec eux.
– Les services de préfectures, de mairies ou bien le Samu social sont ils selon vous efficaces pour répondre aux urgences ?
S.F : Les préfectures ne sont pas très efficaces car si vous demandez aux SDF, ils vous répondront qu’ils sont toujours dehors.
S’agissant des mairies, généralement c’est identique. Seulement trois nous répondent à l’heure actuelle : celles de Paris, Levallois Perret et récemment Puteaux une fois. Paris et Levallois ont ouverts des centres d’accueil et lorsque j’alerte, elles nous contactent pour soit nous accompagner sur le terrain soit proposer des solutions. Puteaux a récemment pris en charge un homme SDF handicapé que nous avions pu mettre en sécurité. Pour les autres, non jamais de réponses. Quoi qu’il en soit, je continuerai à les interpeller avec respect toujours car nous avons besoin de l’aide de toutes les municipalités.
Enfin s’agissant du Samu social, malheureusement ils font ce qu’ils peuvent. C’est au gouvernement de leur donner les moyens d’accueil qu’ils n’ont pas. Je reçois beaucoup de témoignages précisant que le 115 n’a rien pu faire pour telle ou telle situation urgente. Mais je pense qu’ils sont les premiers à être désolés par le manque de moyens.
– En 2017, vous avez lancé une pétition pour aider précisément les femmes dans la rue qui a rassemblé plus de 400 000 signatures à ce jour. En quoi consiste t-elle ? Et avez-vous depuis obtenu des résultats ?
S.F : Cette idée de pétition m’a été soufflée par des hommes SDF ( Michel Baldy, Moise, Christian Page et d’autres) et puis je me suis dis que oui c’était peut être la meilleure façon de regrouper et d’informer les gens. L’idée étant de mettre en place des centres d’accueil dédiés aux femmes pour leur offrir sécurité, dignité et leur apporter l’accompagnement spécifique nécessaire pour affronter leur traumatisme. Ça a fonctionné tout de suite, avec énormément de signatures en peu de temps, grâce notamment aux très bons conseils des équipes de change.org (Sarah, Aminata, Coline) que je remercie.
Néanmoins, je n’ai jamais eu de réponse du gouvernement, malgré les plus de 400 000 signatures. Je l’avais également adressé à Mesdames Schiappa et Wargon. J’attends toujours.
J’ai cependant eu l’honneur d’être auditionnée par le Conseil économique, social et environnemental où j’ai pu participer à l’élaboration du plan grande pauvreté pour tenter d’éradiquer le fléau.
Mesdames Hidalgo, Versini et Pottier-Dumas maire de Levallois-Perret ont depuis ouverts plusieurs centres pour femmes et j’espère qu’un maximum de municipalités suivront le pas.
– Emmanuel Macron a fait de la cause des femmes une « priorité » de son quinquennat. Selon vous qui connaissez bien le terrain, la situation des femmes s’est elle améliorée ou non depuis les prises de fonction du président il y a 3 ans ?
S.F : Absolument pas, malheureusement ! Au contraire, nous avons observé une nette augmentation des femmes dans la rue. Des femmes seules mais aussi enceintes ou avec des enfants. Certaines avec de gros chocs post trauma. Parmi elles, des femmes qui ont fui leurs conjoints violents et qui se retrouvent à la rue car elles n’ont aucun autre endroit où aller. Exemples : Valerie avec ces deux filles et un bébé ou bien Asma et son bébé, Marie enceinte etc, etc, la liste est bien trop longue.
– La crise sanitaire du Covid-19 a t-elle aggravé la situation des SDF ?
S.F : Oui complètement. On voit de plus en plus de monde dans les rues. Des profils qu’on ne connaissait pas auparavant. Des familles entières, des étudiants en grande détresse ou bien des personnes qui ont perdu leur emploi à cause de la crise. Psychologiquement, ils se sentaient déjà oubliés mais là c’est pire. Suites aux confinements et couvre-feu il y a de moins en moins d’aides et de maraudes. Certaines personnes arrivent néanmoins à nous contacter, nous ou d’autres associations indépendantes avec qui nous travaillons telles que Homeless plus, Maraude Aide, Les soldats de la rue ou les maraudeurs by wanted. Mais lors du premier confinement, ça a été très difficile pour les SDF car on ne pouvait plus organiser nos maraudes.
– Comment peut-on enfin vous venir en aide financièrement, matériellement ou bénévolement?
S.F : Tout d’abord, en signant et en partageant la pétition car le but est d’atteindre les 500 000 signatures pour que le gouvernement puisse enfin étudier nos demandes :
https://www.change.org/femmessdf
Financièrement, nous avons mis en place une cagnotte pour nous permettre de régler : hébergements, mises à l’abri et cautions :
https://www.leetchi.com/c/mises-a-labri-de-personnes-sdf
Matériellement, je ne peux rien stocker car nous ne disposons pas encore de locaux. Donc je dirige les donateurs vers des centres afin de stocker matériels et nourriture.
Enfin, pour devenir bénévole, j’invite toutes les personnes intéressées à me suivre sur mes réseaux. J’annonce régulièrement les maraudes et donc chacun peut apporter sa pierre à l’édifice sur le terrain en nous rejoignant.
D’avance, un grand merci à toutes et à tous.
Pour suivre Sarah Frikh sur les réseaux :
Twitter : @sarahfrikh
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Les Répliques
NB : notre documentaire à propos de Christian Page SDF 2.0 à voir ci-dessous :
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