Olivier Dubois : l’attente et l’angoisse d’une famille

Vingt deux mois que le journaliste Olivier Dubois est retenu en otage par un groupe djihadiste après avoir été enlevé à Gao, dans le nord du Mali. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux le 5 mai 2021, le Français, qui vit et travaille au Mali depuis 2015, se disait entre les mains d’une alliance terroriste au Sahel, liée à Al-Qaida se nommant “Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin“. Il reste aujourd’hui le seul otage français recensé dans le monde, depuis la libération, en octobre 2020, de Sophie Pétronin, également enlevée au Mali. La famille du journaliste (sa mère, sa soeur et son beau-frère) continue à se mobiliser pour rappeler sa condition et appeler à sa libération. Ils ont bien voulu répondre à nos questions.

Olivier Dubois otage au Mali

Les Répliques : Bonjour, pouvez-vous nous dire si vous avez la moindre nouvelle d’Olivier ?

Famille d’Olivier Dubois : En presque deux ans de captivité, (ce sera le cas le 8 avril prochain), deux preuves de vie, deux vidéos d’Olivier ont été publiées sur internet. La première de 21 secondes en date du 5 janvier 2021 et la 2eme d’1 minute et 8 secondes, parue le 13 mars 2022. Depuis nous n’avons plus aucune nouvelle. L’affaire n’avance pas depuis plusieurs mois. Bientôt deux ans de captivité et les nouvelles manquent cruellement. Nous restons constamment à l’affût.

LR : Avez-vous des informations sur les conditions de sa captivité ?

Famille d’Olivier Dubois : La mère d’Olivier, sa soeur Canèle Bernard et son beau-frère n’avons aucun contact direct ou indirect avec Olivier et aucune information sur sa captivité. Aucun contact avec le Mali non plus, nous ne connaissons personne la-bas, susceptible de nous renseigner sur Olivier. Il y a comme un blocus.

A défaut de savoir comment se passe sa captivité nous essayons de lui faire passer des nouvelles via la radio RFI, et lui expliquer en une minute, comment le monde continue de tourner pendant son absence. Chaque mois, où qu’il soit, Olivier a peut-être l’opportunité d’entendre nos messages audio qui lui sont destinés. A t’il une radio ? Ses ravisseurs lui rapportent-ils nos paroles, nos messages ? Pour nous c’est l’inconnu.

Si l’on se réfère aux deux vidéos, nous voyons qu’il y apparaît fatigué même s’il reste digne. Plus il sera captif et plus son état physique et psychologique risque d’être durablement affecté.

Ses conditions de détention sont certainement éprouvantes surtout loin des siens. D’autant plus que des combats réguliers entre divers groupes djihadistes existent et s’accentuent dans le Nord Mali. Nous craignons donc pour sa vie.

LR : Êtes-vous en relation avec les autorités françaises afin d’accélérer le processus de libération ?

Famille d’Olivier Dubois : Depuis l’enlèvement, notre seul « référent » est le CDCS/la cellule de crise au Quai d’Orsay. La cellule reçoit toutes les informations et signalements des autres ministères en charge du dossier d’Oliver. Elle est en bout de chaîne. Pour les un an de sa captivité, à deux jours des élections présidentielles, l’ex ministre des affaires étrangères Mr Le Drian a souhaité nous parler (après plusieurs sollicitations de notre part restées sans réponse). Cet appel dépourvu d’empathie était finalement vide d’informations…

Depuis cet échange, nous avons écrit à la nouvelle ministre de l’Europe et des affaires étrangères Mme Colonna pour la rencontrer. Finalement nous avons rencontré son chef de cabinet mais nous sommes également repartis bredouilles…

Plus la captivité d’Olivier perdure, plus nous sommes inquiets et avons le besoin d’être en contact avec les vraies personnes en charge du dossier, dont le Président de la République, très précisément. Nous ne comprenons toujours pas pourquoi le chef de l’Etat ne nous a pas encore reçu en presque deux ans.

LR : Qu’est ce qui empêche aujourd’hui sa libération selon vous ?

Famille d’Olivier Dubois : L’actualité (nationale et internationale) est de plus en plus dense : la guerre en Ukraine, les tensions dans la région du Sahel, la réforme des retraites, l’inflation etc. Nous n’affirmons pas que ces sujets prennent le pas sur le cas d’Oliver mais il y a certes actuellement beaucoup de sujets à traiter pour un gouvernement.

Nous nous demandons si le fait qu’il n’y ait pas d’autres otages français dans la même situation, au même endroit, pris par les mêmes ravisseurs, serait un facteur de ralentissement pour sa libération ? Etre un cas « isolé » complique t’il la tâche pour sa libération ?

LR : Les autorités font elles le nécessaire ?

Famille d’Olivier Dubois : Selon nous, les autorités sont trop effacées. Nous avons l’impression que la question des otages est un frein au pouvoir et ferme les portes aux familles.

Nous ne travaillons pas au sein du gouvernement, nous ne pouvons donc certifier ou non d’actions concrètes menées par les autorités françaises et maliennes (avec qui nous n’avons aucun contact non plus). Nous comprenons que la temporalité des ravisseurs soit différente de la nôtre. Pour autant, nous nous étonnons tout de même que la « rapidité » de diffusion des deux preuves de vie (en 12 mois de captivité) n’ait pas déclenché d’avancées significatives de la part des autorités. Notre collectif Famille Olivier Dubois comprend aussi qu’il y a une volonté affichée de la part des ravisseurs d’ajuster nos temporalités, de « discuter » du cas d’Olivier.

Si « tout le monde se met autour de la table » pour en parler sérieusement, les choses ne devraient- elles, ne pourraient-elles pas avancer plus vite ? Au Mali, qui s’est saisi du dossier ? Le Mali et la France travaillent-ils main dans la main pour Olivier ?

Campagne d’affichage pour la libération d’Olivier Dubois

LR : A ce jour, Le président Macron s’est-il saisi du dossier ou bien l’actuelle ministre des affaires étrangères ?

Famille d’Olivier Dubois : Une bonne partie de l’agenda d’un Président concerne l’international. Un ressortissant français otage au Mali est un cas qui ne peut être ignoré. Nous avons écrit deux fois à Emmanuel Macron et restons en attente de le rencontrer ou juste d’être en contact. Nous espérons qu’il s’est saisi du dossier.

Mais les questions auxquelles nous n’avons aucune réponse aujourd’hui sont les suivantes : les autorités françaises et maliennes sont-elles réellement en relation ? Travaillent-elles vraiment ensemble pour la libération d’Olivier ? Nous l’ignorons.

Interrogée par un journaliste, Mme la ministre Colonna s’est exprimée sur son cas lors de son dernier déplacement en Côte d’Ivoire précisant que tout était entrepris pour aboutir à sa libération. Rappelons cependant qu’Olivier vient d’entamer son 22eme mois de captivité..

LR : Au moment de sa capture, quelle a été votre réaction ?

Famille d’Olivier Dubois : Quelques mois plus tôt, Olivier nous avait écrit pour nous informer que malgré son amour pour le Mali, il souhaitait toutefois quitter le pays pour faire découvrir à ses enfants d’autres contrées mais aussi pour des questions de sécurité évidentes.

Le dimanche 8 avril 2021, nous avons été terrassés par la terrible nouvelle. L’effroi et le doute se sont emparés de nous. En même temps, nous faisions naïvement confiance aux autorités. Prendre contact rapidement avec le Quai d’Orsay a été notre premier réflex. Ces derniers nous ont demandé de ne pas communiquer publiquement pour éviter qu’Olivier ne soit déplacé fréquemment et pour faciliter les recherches. Demande que nous avons respecté.

Des semaines ont été nécessaires pour nous relever, analyser, comprendre, pour ne pas nous laisser submerger par l’ampleur des évènements et surtout rassembler nos forces pour organiser la mobilisation et alerter sur son sort.

Tout comme pour Olivier, le cours de nos vies est depuis suspendu. Aujourd’hui il n’y a que lui qui compte. Olivier est captif, pas nous. Pour lui notre devoir était de faire en sorte qu’il devienne un otage audible. Humaniser son absence après des semaines de silence. Nous ne lâcherons rien jusqu’à sa libération. Nous le devons pour lui et ses enfants.

Plus que jamais, nous sommes soudés autour de la mère d’Olivier pour faire front commun.

LR : Pensiez-vous qu’il serait captif autant de temps ?

Famille d’Olivier Dubois : Lorsqu’un tel drame vous tombe dessus, comment imaginer qu’il puisse durer autant de temps ? Nous étions persuadés que les gouvernements français et maliens agiraient plus rapidement. C’est un cauchemar dont nous ignorons la fin.

Même si nous savions qu’être otage français, européen, entre autre, a une valeur importante aux yeux des ravisseurs, nous étions loin d’imaginer que sa captivité serait aussi longue. Par le passé, d’anciens otages, journalistes ou non, ont également subi de longues captivité. Mails il faut être lucide, son métier de journaliste n’a pas forcément d’incidence sur son sort actuel ni sur la durée de sa captivité ou enfin sur les motivations de ses ravisseurs.

Olivier Dubois

LR : Comment vous aider dans le processus de libération ?

Famille d’Olivier Dubois : Malgré l’urgence de la situation, nous avons du mal à mettre Olivier au coeur du débat public. Il est possible de nous aider de plusieurs manières :

Notre pétition fait appel à la démocratie participative et a pour motivation de demander la libération rapide d’Olivier Dubois auprès du président de la République française et d’Assimi Goïta, chef de la junte militaire malienne. Que les familles d’otage puissent être en étroite collaboration avec les chefs d’Etat concernés.

Le concours du plus grand nombre de signatures est requis pour nous permettre de porter notre requête auprès du gouvernement. Cette pétition a été créée le 6 janvier 2022. Nous remercions les 120 000 personnes qui ont rejoint notre famille et notre combat. Une signature est une voix de plus pour la libération d’Olivier Dubois. N’hésitez donc pas à la signer si vous ne l’avez pas encore fait : https://www.change.org/LiberonsOlivierDubois. Il est d’ailleurs surprenant que certains de ses confrères journalistes ne l’aient pas encore signé ou relayé.

Plus les années passent et moins on parle des otages. Pourtant certaines émissions comme « Votre télé et vous » ou encore « C ce soir » relaient hebdomadairement le cas d’Olivier. Nous invitons donc les médias, la presse, la télévision, à relayer quotidiennement, comme ce fût le cas pour d’anciens otages français, la situation d’Olivier et la pétition. Car Olivier est captif tous les jours dans le désert et pas uniquement le 8 de chaque mois.

Aussi, plusieurs villes de France se sont engagées pour Olivier Dubois. A l’image notamment d’Avignon à travers son Festival de théâtre en 2022. Désormais chaque année le portrait d’Olivier sera affiché sur le fronton de la Mairie. La ville de Marseille et sa métropole Aix-Marseille (MPM) ont voté à l’unanimité une motion de soutien à Olivier Dubois, à l’initiative du Club de la Presse « Marseille Provence » qui sera présentée au Président de la République et qui également, affichent dans le centre de Marseille le portrait d’Olivier et le lien de la pétition pour le soutenir.

A l’approche des deux ans de captivité, nous invitons, les villes et autres métropoles de France à effectuer cette même action d’affichage public avec le visuel de MPM pour continuer d’informer les français sur Oliver Dubois.

Enfin, la mobilisation que nous mettons en place, a déjà porté ses fruits dans des situations similaires par le passé. Alain JUPPE, alors Ministre des Affaires étrangères en 2012 expliquait à Stéphane Tapponnier, dans son livre intitulé « 547 jours » :

«Si je veux être totalement sincère, bien sûr que la médiatisation est utile. Cela crée un contexte de pression politique sur l’appareil d’Etat. Cela accentue la mobilisation. Les agents de la DGSE auraient fait leur boulot de la même façon mais la pression politique, ça aide. Je ne sais pas si ça a été contre-productif, mais ça a accentué la pression sur les décideurs»

Hervé Ghesquière lui répondit : « sur vous ?»

« Sans doute », lui rétorqua Mr Juppé.

Rassemblement du 7 mars 2022 au Panthéon pour Olivier Dubois – Crédit photo Audrey M-G ©

LR : La pétition et la vidéo de soutien réalisée en collaboration avec France TV ont-elles eu un réel impact ?

Famille d’Olivier Dubois : 120.000 signataires, c’est plutôt parlant !

Grâce à Omar Sy, IAM, Yvan Attal, Elise Lucet, Samuel Etienne, Gilles Bouleau, France TV entre autres et les nombreux anonymes, Olivier est passé du statut de l’otage dont on ne parle pas à celui dont on parle enfin.
L’opération « Pour Olivier Dubois, une carte postale à Emmanuel Macron, l’été dernier » a permis de remettre son cas sur le devant de la scène et de permettre à nos compatriotes de s’investir avec nous pour Olivier.

Toutefois, l’actualité étant dense, nous devons constamment penser à de nouvelles opérations de communication pour alerter à grande échelle nos concitoyens. L’appui et le soutien des français est plus qu’utile, il est nécessaire, il est vital !

LR : Avez-vous un dernier message à passer ?

Famille d’Olivier Dubois : Nos comptes officiels twitter (@O_DuboisFamille) et Instagram (Famille Olivier Dubois) sont les plus à même d’informer les citoyens et ceux qui le souhaitent de l’avancée de la situation. Nous en profitons pour remercier tous les anonymes et les personnalités qui soutiennent la cause d’Olivier et qui s’investissent depuis son enlèvement et continuent à oeuvrer à nos côtés.

Chaque famille peut s’identifier. Personne ne souhaite être à sa place. Mobilisons-nous, soyons acteurs de sa libération et pas seulement spectateurs. Parce que c’était d’autres hier, que c’est lui aujourd’hui, en espérant que ce ne soit pas vous demain. Nous remercions toutes celles et ceux qui continuent à participer et à relayer nos actions.

Par le passé, le Mali a prouvé qu’il était un acteur incontournable en matière de libération d’otage, nous comptons sur lui.

Enfin à Emmanuel Macron et Assimi Goïta : nous avons besoin de vous, de la France et du Mali pour libérer Olivier !

Merci.

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