“J’ai démissionné car j’étais en souffrance” : témoignage d’une ancienne AESH

Les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) sont des personnels chargés de l’aide humaine. Ils ont pour mission l’aide et l’assistance aux élèves en situation de handicap. Sous la responsabilité pédagogique des enseignants, ils ont vocation à favoriser l’autonomie de l’élève, sans se substituer à lui dans la mesure du possible. Acteurs-clés, ils contribuent à la mise en place d’une École pleinement inclusive, pour offrir à chaque élève, de la maternelle au lycée, une scolarité adaptée à ses besoins. Pourtant, ce métier est de plus en plus déserté. Conditions de travail difficiles, manque de moyens et salaires précaires, les AESH se font de plus en plus rares.

Nous avons rencontré Nolwenn, une ancienne AESH de Bretagne, qui a bien voulu répondre à nos questions.

– Les Répliques : Bonjour Nolwenn, vous avez été AESH pendant 6 ans de 2016 à 2022. Pouvez-vous tout d’abord nous dire pourquoi vous êtes-vous dirigez vers ce métier ?

– Nolwenn : Bonjour Les Répliques, j’ai voulu faire ce métier car je voulais aider des enfants en situation de handicap. Je me suis donc naturellement dirigé vers le métier d’AESH. Cela me paraissait conforme à mes attentes professionnelles.

– Les Répliques : Quelles étaient les principales satisfactions que vous rencontriez ?

– Nolwenn : Ce métier me plaisait, il avait de nombreux avantages comme le fait de travailler dans une équipe éducative pour aider les élèves en difficulté, les accompagner en classe et voir leur progrès au fil des années. Être un véritable soutien pour ces enfants me plaisait. Et bien sûr aussi pour être honnête, les semaines de 4 ou 5 jours et les vacances scolaires.

– Les Répliques : À contrario, quelles étaient les principales déceptions et difficultés de ce métier ?

– Nolwenn : Malheureusement il y a de nombreux inconvénients comme tout d’abord un salaire dérisoire. Mais aussi un statut précaire, des conditions de travail difficiles car peu de moyens. Mais aussi peu de formations pour apprendre le métier. Peu ou pas de reconnaissances. Nous sommes juste des pions, des numéros pour le compte de l’Éducation nationale qui n’a que très peu, voire aucune empathie. Le métier est essentiellement composé de femmes. Les femmes ont-elles plus de résilience ?

– Les Répliques : Quelle était votre relation avec les enfants, les parents d’élèves et le corps enseignant ?

– Nolwenn : J’aimais énormément travailler auprès de mes élèves, c’était un réel plaisir de les voir au quotidien ! Quant aux parents, ils étaient heureux et soulagés de voir leurs enfants accompagnés. J’avais souvent de bons retours de leur part et c’était très gratifiant. Avec les enseignants c’était assez compliqué. Ils ont peu ou pas de formations pour connaître les différents handicaps. La plupart de ceux que j’ai croisé dans ma carrière étaient impliqués, mais ce manque de formation et de sensibilisation se faisait sentir et c’est un gros problème. Le seul responsable : le ministère de l’Éducation.

– Les Répliques : Vous avez démissionné en 2022. Quelles étaient les principales raisons ?

– Nolwenn : J’ai démissionné car l’an passé et après 6 ans dans ce métier, j’ai fait un burn out (que l’on m’a diagnostiqué). En souffrance, je n’avais plus envie de me lever le matin. Une fatigue mentale et physique. Le surmenage et le fait d’avoir trop d’élèves à gérer seule (jusqu’à six) ont eu raison de moi.

La mise en place des PIAL (Pôles Inclusif d’Accompagnement Localisé) a aussi été une des raisons de mon départ. Le PIAL est une initiative du gouvernement visant à améliorer l’inclusion des élèves en situation de handicap dans les écoles. Il regroupe différentes écoles et établissements autour d’une structure commune pour mieux coordonner les ressources et les aides aux élèves en situation de handicaps, afin de leur offrir un accompagnement adapté à leurs besoins spécifiques. L’objectif est de faciliter leur accès à l’éducation et de favoriser leur intégration au sein du système éducatif ordinaire. Mais malheureusement c’est beau sur le papier mais dans la réalité des faits c’est autre chose. Cela a entraîné une augmentation d’élèves par AESH. Une collègue en a eu huit à elle seule ! La qualité du travail a été impactée. Certains élèves se retrouvaient avec une AESH pour 2h par semaine. Enfin, les AESH pouvaient être muté du jour au lendemain en plein milieu d’année selon les besoins. Ce qui rend encore le métier plus précaire.

Tout cela, mais aussi le salaire de misère, ont entraîné mon départ.

– Les Répliques : L’Éducation nationale ne vous a t-elle pas suffisamment soutenu et retenu ?

– Nolwenn : Si l’EN m’a soutenu ? Absolument pas ! Retenu ? Encore moins ! J’étais juste un numéro parmi d’autres. Nous sommes en 2023 et rien n’a changé. Les conditions de travail sont toujours exécrables et ça ne s’améliore pas. L’État hypocrite se fiche complètement des élèves en situation de handicap et des AESH qui souffrent. Il y’a de plus en plus de démission et ce n’est pas près de s’arrêter. Malheureusement, les premiers concernés sont les enfants.

– Les Répliques : Que manquait-il pour que vous fassiez correctement votre métier ? Quelles étaient vos principales revendications ?

– Nolwenn : Ce qu’il faudrait enfin pour que ce métier soit valorisé et plus attractif, serait tout d’abord un salaire plus décent. Je touchais environ 800 euros pour un 24h/semaine. C’est ridicule, une honte, lorsqu’on voit la charge de travail qui nous est attribuée et le but de notre mission : aider des enfants à poursuivre normalement leurs études malgré leur handicap. Une augmentation significative des salaires entrainerait une baisse des démissions, puis une augmentation du nombre d’AESH et donc moins d’élèves par accompagnant (la normale, c’est un à deux élèves par accompagnant) et donc des conditions de travail plus acceptables dans un premier temps.

– Les Répliques : Reviendriez-vous si vos revendications étaient acceptées ?

 – Nolwenn : Il faudrait aussi plus de formations, plus de moyens matériels, plus d’écoute aussi mais surtout la suppression des PIAL qui a considérablement fragilisé le métier. Si un jour effectivement tout cela était enfin mis en place, je réfléchirais, oui, car le métier me plaît toujours mais pas ces conditions à l’heure actuelle.

– Les Répliques : Pensez-vous que la dernière polémique autour de l’abaya soit une priorité pour l’Éducation nationale ?

– Nolwenn : Le sujet de l’abaya, comment dire… c’est juste ridicule et aberrant. Désormais, ils iront mesurer la longueur des jupes des filles !? Comment pourront t-ils d’ailleurs faire la différence entre une robe longue et une abaya ? C’est consternant. Ça me fait de la peine pour les jeunes filles qui seront discriminées à l’entrée des établissements. Quand est-ce que la France arrêtera de se préoccuper de ce que portent les femmes ?

Mais ce qui me fait autant, voir plus de peine, c’est qu’il y aura 1/4 des enfants en situation de handicap qui n’auront pas accès à la scolarisation cette année. Ça c’est scandaleux, ça c’est un sujet ! Chaque année les AESH manifestent et rien ne change. Alors quand on voit le gouvernement faire la guerre à l’abaya pour cette rentrée, on est juste dépité !

– Les Répliques : Effectivement 1/4 des enfants en situation de handicap n’auront pas accès à la scolarisation cette année. Quel est votre sentiment face à ce terrible constat ?

– Nolwenn : Mon constat est clairement amer. Ce chiffre fait honte à la France. Le gouvernement devrait prendre à bras le corps ce sujet plutôt que de parler abaya. C’est la double peine en fait. Mais tout le monde aura compris qu’une mesurette bidon à 0€ comme celle de l’abaya fait plus de bruit que mettre de l’argent pour les AESH, les enfants en situation de handicap ou contre le harcèlement scolaire. Le gouvernement fait croire qu’il agit, or ce n’est que du vent.

– Les Répliques : Merci Nolwenn.

– Nolwenn : Merci Les Répliques de m’avoir donné la parole. Je voulais juste rajouter un petit mot pour mes collègues AESH et leur dire combien iels font un travail formidable et de titan ! Je leur envoie tout mon soutien et tout mon courage pour cette rentrée 2023 !

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Un commentaire sur ““J’ai démissionné car j’étais en souffrance” : témoignage d’une ancienne AESH

  1. Ziadi :

    Merci pour votre témoignage !
    J ajouterai le mépris de certains profs, qui se permettent de sélectionner certains (es) AESH (copinages ) pour les aider ou participer à la vie de l’école en mettant de côté l’élève qui a besoin d’aide au quotidien ! Honte a se système français

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